La poésie prend divers chemins. Ici, elle suit les voies ferrées, s’arrête de gare en gare, prend des pauses-café. Autant de ponctuations avec des photographies comme autant d’énigmes sur un temps en suspens ; ainsi se déroule une suite d’instantanés  : « j’ai toujours tant de choses à écrire / roulant et tanguant / sur ces voies ferrées herbeuses / et bientôt abandonnées. » Il faut suivre ce journal de station en station, étape après étape, pas à pas pour découvrir dans un heurt d’images fugitives, de sensations esquissées et de sentiments sourds, un fil narratif où l’amour et la mort (celle du père cheminot) s’entremêlent : « Pas un poème, / jamais, / de l’amour racine de toi et de moi, / tant qu’il dura. ». « Un mourant auquel on prend parfois la main – parfois- / et qu’on ne sait pas retenir. » Les formes du journal et du poème s’entrecroisant ou se mêlant, cette composition restitue au texte son étymologie : un tissu  de mots à fleur de peau enveloppe douleurs et plaisirs non sans, parfois, un certain enjouement, une légèreté de ton qui oblitère une situation dramatique pour mieux la faire passer : « … on avait tous la gorge serrée. / – Ben quoi, t’avais dit ! / Battez des mains, battez des mains, / il faudra danser ! / (oui presque ces mots que tu as dits) / quand je serai en bière / une bière de chez Roc’eclerc / une blonde une brune / une rousse une ambrée. » Aux lecteurs de déguster et se laisser emporter par une émotion vive et déroutante.