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Notre lecture

Mes hommes

Fort de la lecture de la quatrième de couverture, ce titre pourrait séduire les amateurs de serial killers. Belle Gunness est présentée comme « l’une des premières tueuses en série de l’histoire. Née en 1859 en Norvège, fille de ferme, émigre en Amérique où elle tua une quarantaine de personnes, essentiellement des hommes ». Or l’auteure, elle-même norvégienne, expose et raconte dans les trois quarts de son roman, durant sa vie avec ses trois premiers hommes, un contexte historique, une situation sociologique, une emprise religieuse, une pulsion érotique, l’oppression d’un patriarcat et d’un machisme civilisationnels, bref des éléments de construction et de démantèlement de sa personnalité qui l’ont amenée à se détruire elle-même en détruisant des vies humaines, pour la plupart masculines. Brynhild (ainsi nommée dans le roman) « avait dix-sept ans et la gorge nouée ; elle était d’une telle bonté, d’une telle douceur… » et, en partant en Amérique rejoindre sa sœur et son mari, « se délestait de tout ce qu’elle possédait et n’emportait que ce qu’elle avait, ce que de toute manière il avait pris. (…) Il avait pris tout ce qu’elle lui donnait, il avait joué à être Dieu. » Ce « il » n’est autre que le mari qu’on lui destinait. Elle trouve à Chicago une place de couturière : « Elle portait la cruauté du monde juste sous l’épiderme, mais aussi la beauté du monde. », puis devient fille de maison. Durant cette période, elle « essayait tout, tout pour que ce soit plus joli que ça l’avait été, et elle commença par le plus facile : changer son prénom en Bella. » Ce qui ne lui empêche pas de vivre de plus en plus mal le conformisme oppressant de son entourage et de sombrer dans la dépression : « Elle n’y pouvait rien ; chaque fois qu’elle fermait les yeux, elle convoquait un petit enfer doucereux. » Mais voilà que la rencontre de Mad lui redonne espoir : « … Tout changea dès qu’il arriva et Bella devint à la fois raide et douce, dans son cerveau comme dans ses pensées. Elle le sentait dans sa moelle épinière : l’amour l’avait trouvée, enfin. » On se doute, peu à peu, par des petits riens, que l’idylle va devenir un enfer. Elle se croit d’abord une mauvaise mère puisque « les enfants mouraient quel que soit le nombre de prières qu’elle disait et le nombre d’enfants qu’elle faisait baptiser à l’église, elle avait la mort entre les bras et la mort refusait de lâcher prise. » La mort de Mad va la libérer de sa malédiction. Seulement Oscar Sorensen, le frère de celui-ci, la soupçonne d’être une meurtrière et prend dans sa vie la place de son défunt mari… Grâce à une écriture tout en suggestion, souvent poétique pour pénétrer la nature des êtres et des choses, l’auteure réussit à entraîner le lecteur dans la splendeur et l’horreur d’une dérive humaine, trop humaine.