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mardi – samedi : 10:00 – 13:00 et 14:30 – 19:00

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Notre lecture

La petite fille

Le roman s’ouvre sur une scène de polar où le narrateur, Kaspar, libraire de son état, découvre sa femme noyée accidentellement dans sa baignoire. On apprend que c’est la sinistre conclusion du naufrage d’une vie, celle de Birgit dont il avait minutieusement organisé l’exfiltration de la DDR vers l’Ouest. Tout le récit tourne autour de la recherche de son passé. Avant ce drame, Kaspar s’était toujours tenu à l’écart de tout. Il était membre de l’Eglise, qu’il fréquentait parfois sans croire en Dieu, mais sans jamais se charger d’une tâche. Sans endosser aucune responsabilité, il était membre de la chambre de commerce et d’industrie, et de l’Union des éditeurs et libraires allemands. » Mais il transmue son chagrin en volonté farouche de découvrir après la chute du Mur de Berlin une réalité familiale et historique à travers un passé dans une ambiance nazie puis communiste.  Schlink choisit d’alterner tout le long du roman les points de vue pour donner une perspective forcément fuyante. La second point de vue est celui de Birgit qui a laissé dans son ordinateur capricieux une autofiction pour exposer son malaise de n’avoir jamais trouvé sa place entre l’Ouest et l’Est, laissant sans réponse les possibilités qui se présentaient à elle : « Que serai-je devenue si j’étais restée ? Si je n’avais pas rencontré Kaspar, si je n’en étais pas tombée amoureuse, si je ne l’avais pas choisi ? Si je n’avais pas du tout songé à partir, si je n’avais su que rester ? (…)  Aurais-je rompu avec le système, me serais-je refusée et aurais-je refusé mon enfant à ce monde dans lequel nous vivons ? » Le troisième point de vue est celui de Sigrun, la petite-fille de Birgit qui affiche ouvertement des convictions néonazies, engendrées dans le milieu völkisch (nationaliste ethniciste) de l’ex R.D.A. Elle considère le journal d’Anne Frank comme un faux et voue un culte à Irma Grese, la « hyène d’Auschwitz », surveillante et tortionnaire des camps de concentration, pendue en 1945. A 71 ans, Kaspar, comme bien d’autres héros de Schlink, va tenter de renouer des liens avec cette adolescente tournée vers un passé toujours aussi menaçant en l’initiant d’abord à la musique. Par une écriture sèche, sans fioritures, l’auteur nous fait partager son inquiétude et sa tendresse pour un monde au devenir incertain …