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Notre lecture

La chambre à brouillard

Un certain Gorius confie au narrateur une étude sur un « curieux sujet » que le lecteur a de plus en plus de mal à identifier à mesure que sa recherche avance ! Il a aménagé un laboratoire dans une cave qui ressemble plutôt à une chambre de tortures. Dans un cahier, il reporte une série de protocoles aussi fantasques que  loufoques :  «  Garder mes distances tant que je pourrai redouter un péril, tant que je n’en aurai pas précisé la nature, tant que je n’aurai pas mis au point la parade et la riposte (…) Ne jamais tourner le dos (…) Isoler le sujet (…) Régulièrement évaluer sa résistance au traitement (…) le soumettre à l’épreuve du feu, de l’eau etc. » Son apparence n’en est pas moins énigmatique et changeante : « Fébrilité du sujet – furtif, fureteur ; de ce fait plutôt insaisissable (…) Aptitude au dédoublement à confirmer (…) ronge l’os et le papier (…) Sommeil agité, bruyant etc. ». Il aurait des pattes qui repoussent, des tentacules, des ailes… Il tente de l’éduquer : « Il m’a été confié, nu, hirsute et très agité. J’ai déjà obtenu de lui qui se tienne droit, à peu près immobile. Il cache désormais sa nudité farouchement. » Avant d’être enfermé dans une caisse, il disparaît mystérieusement : « Huit jours d’angoisse et de tourment. Il s’est échappé ! ». Il soupçonne son confrère Gorius de lui avoir tendu un piège qu’il ne parvient pas à saisir. De quoi exaspérer son épouse Nine et son fils qui se sentent délaissés. Ceux-ci interviendront d’ailleurs dans le dénouement. Il envisage d’employer les grands moyens : « C’est un détecteur de particules qu’il me faudrait. Une chambre à brouillard. Celle de Wilson ou celle de Langsdorf peut-être me permettant d’observer ce muon tout à loisir. » Le lecteur pourra se documenter facilement sur ce « dispositif permettant de visualiser la trajectoire de particules par la transition brusque d’un état physique à un autre d’un alcool sursaturé présent dans la chambre ». Mais le lecteur se rendra compte aussi de sa valeur métaphorique dans ce récit qui brouille les pistes. On pense au recueil poétique Plume d’Henri Michaux, à la Métamorphose de Kafka ou au film La Chose de John Carpenter… Voilà de quoi nous intriguer, nous réjouir et agiter nos neurones : « Tout repose en fait sur des enchaînements assez simples, pour ne pas dire simplistes, une logique aberrante apparemment dont il suffit pour tant d’éclaircir le premier mot pour décoder la suite aisément. »