« Ecoutes » aurait pu être le titre de ce rapport de conversations sur les réseaux sociaux russes entre Svetlana qui défend Poutine et Elena qui s’insurge contre « l’opération spéciale » en Ukraine.  Svetlana a la nostalgie de l’URSS malgré son très jeune âge à cette époque, celle de la « grandeur de la Russie éternelle », fustigeant la décadence du monde occidental peuplé de « libérastes » (contraction de libéraux et pédérastes). Elena, contrôleuse de tramway, cajole ses « gentils passagers » en dépit de leur apathie ou de leur sympathie, affirmée haut et fort, pour le Kremlin. Svetlana est à la recherche  d’un de « nos hommes russes (…) merveilleux » sans évoquer l’alcoolisme et les violences conjugales. Elena n’a pas peur d’affronter les grandes gueules qui écoulent leur bile contre les « ukro-nazis ». Gran nous égraine quelques perles de fausses nouvelles et reproduit un langage cru entre les deux correspondantes. Il évoque aussi avec humour les contournements langagiers pour éviter amendes et sanctions comme l’usage des injures. On suit le guide avec plaisir et angoisse dans cet étrange pays où le cocasse de Gogol côtoie un jdanovisme encore en vigueur.