- Nicolas Delesalle
- date de publication : 24 août 2023
- éditeur : JC Lattès
- Littérature française
Ce livre nous montre, comme son label l’indique, que la vie est un roman, faite de rencontres, de témoignages et de souvenirs intimes passés. La Russie uniforme qu’il découvre dans son adolescence par sa mère, prof de russe, dans les (des?)années 70 à 90, se révèle diverse, fragmentée puis brisée au début du vingt-et-unième siècle. Il se retrouve alors reporter pour couvrir la guerre en Ukraine et, sur le front, dans le Donbass, de 2014 (annexion de la Crimée) à aujourd’hui. Deux portraits indissociables sont particulièrement emblématiques d’une situation politique absurde et d’une investigation psychologique d’un phénomène inextricable : Sacha, retraité ukrainien, pilote d’hélicoptère au temps de l’URSS, devenu chauve après son intervention sur la centrale nucléaire de Tchernobyl, a recueilli « son prisonnier » échappé de la milice Wagner ; c’est un brave soldat Tchvek qui se révèlera beaucoup moins stupide qu’il ne le laisse paraître. On retiendra quelques leçons : « Les Russes ne naissent pas russes, ils le deviennent », « Dieu est haut, le tsar est loin »… L’auteur se pose en témoin : « Je veux raconter que partout, dans le Donbass, les soldats creusent et meurent. Une armée de taupes dans une guerre de bombes et de pelles. » L’empathie du vieil idéaliste pour son « paumé » voudrait apporter un espoir malgré le constat d’une voie sans issue : « Il voudrait aussi le convaincre que cette guerre finira bien un jour, que les Ukrainiens et les Russes se reparleront comme avant, comme eux deux ont réussi à se parler. » Il faut lire ce reportage sur le vif mêlé de nostalgie défunte non pour percer des ténèbres impénétrables ou comprendre l’impensable, mais se confronter à une évidence désespérante comme devant la réaction de leur ami de longue date : « Piotr est devenu un grand chef d’orchestre (…) Quand, au début de la guerre, elle (sa mère) lui a demandé comment les choses se passaient en Russie, il a répondu en plaisantant : – Oh ça va très bien chez nous, c’est chez vous que ça ne va pas. »