En 1992, à la fin de la guerre civile au Mozambique qui a fait un million de morts, Mia Couto écrit ce roman devenu introuvable et ici réédité dans une nouvelle traduction d’Elizabeth Monteiro Rodrigues. Le titre évoque une errance de deux personnages en fuite qui « vont par-delà nulle part », le vieux Tuahir et le jeune Muidinga ; ceux-ci trouvent refuge dans la carcasse calcinée d’un car avec des cadavres. Ils découvrent près de l’un d’eux les cahiers de Kindzu. Devant cet écrit, l’enfant, traumatisé, incapable de parler, retrouve la faculté de lire et s’identifie peu à peu à ce Kindzu emporté dans une « guerre-fantôme » dont les dommages sont encore visibles pour son lecteur. Ainsi, ces deux récits tissent un rapport entre le passé et le présent à travers diverses rencontres et circonstances où le réel est en butte au « rêve (qui) est l’œil de la vie ». Mia Couto nous dévoile un univers onirique en jouant sur le langage parlé et écrit, en forgeant des néologismes, en introduisant des glissements sémantiques, en déterrant des archaïsmes, en empruntant aux langues étrangères. Autant de tours que la traductrice restitue avec l’étonnante virtuosité d’une interprète musicale et qui emportent le lecteur dans une quête éthérée et essentielle comme ces pages du carnet qui, à la fin, s’envolent : « Alors, les lettres, une par une, se vont convertissant en grains de sable et, peu à peu, tous mes écrits se vont transformant en pages de terre. »