Ce titre définit autant la brièveté de ce roman (140 pages) que l’effacement de la narratrice, concierge d’un lycée de banlieue romaine, qui tombe amoureuse de Matteo, « un don de Dieu ! », un jeune et beau professeur d’italien sans jamais qu’elle le lui révèle et qu’il s’en doute, et ce durant quarante années ! D’ailleurs son prénom lui restera toujours étranger, la remisant ainsi dans un anonymat que partage le lecteur. Elle suit son ascension d’écrivain, ses succès féminins, les aléas de ses relations avec ses collègues et l’administration, ses dépits amoureux, la fin de sa renommée sans jamais entamer sa joie secrète ! Evidemment ce comportement étrange, insensé voire pathologique pourrait être interprété comme une vision passéiste de la femme alors que, pour l’auteur, il s’agit de dépasser la réalité pour entrer dans le Sublime ! Ce mot définit d’abord un style épuré emprunt de poésie dont la traduction parvient à rendre avec simplicité toute la subtilité. Il fait appel ensuite à la sublimation autant sur un plan spirituel que psychanalytique pour parvenir à un amour aussi exalté que plein de retenue : « L’amour absolu tourmente le cœur et le corps, c’est une couronne d’épines, une lance qui transperce constamment la poitrine, une joie torturante ». Définir l’amour convenu par la négative parvient à révéler un sentiment qui exige une abnégation totale : « Mais l’amour n’est pas propriété privée, fil barbelé, maison, famille, l’amour n’est pas reconnaissance, gratitude, dette, l’amour n’est pas non plus partage, lien, union. (…) L’amour est une dévotion qui n’a nulle exigence et n’attend rien. » Certes, certains ne peuvent comprendre cet éloge de la passion (dans les deux sens du terme) puisqu’il s’agit ici essentiellement d’un renoncement à la possession par la grâce de l’humilité et de la gratuité !