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mardi – samedi : 10:00 – 13:00 et 14:30 – 19:00

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Notre lecture

Proust, roman familial

Le nom de l’auteure éclaire le titre : « Toute mon adolescence, j’ai entendu parler des personnages d’À la recherche du temps perdu, persuadée qu’ils étaient des cousins que je n’avais pas encore rencontrés. » Contrairement à Annie Ernaux qui décrit en une phrase son milieu d’origine : « Le réel, sans les mots », elle annote : « En l’écoutant, j’ai compris que j’étais issue, presque rigoureusement du contraire : les mots sans le réel – si tant est que vivre sans réel ait le moindre sens. » En effet, elle reconnaît dans ses ancêtres des personnages qui auraient pu être ou ont figuré effectivement dans La Recherche du temps perdu. Outre qu’elle nous explique pourquoi elle refuse de transformer son roman familial en autofiction, la lecture de ce monument littéraire l’invite à ouvrir les yeux sur le monde aristocratique et son entourage servile, autant animé par le devoir ou l’imitation que par l’admiration ou l’envie. Elle nous démontre de façon expérimentale en tant que produit de ce milieu, et de façon magistrale, en tant que professeure de littérature à Los Angeles, que la fiction et la réalité non seulement nous confondent (dans tous les sens du terme : stupéfier, démasquer, réunir et même tromper), mais aussi que la lecture de La recherche aide à nous émanciper, quelle que soit notre origine sociale. Si, pour sa part, elle a coupé les ponts avec sa famille pour assumer son homosexualité, elle nous invite, comme à l’égard de ses étudiants,  à vaincre notre timidité ou notre paresse pour entrer dans La recherche et se rendre compte enfin comme cette lectrice de rencontre : « Tout ce qui se passe dans ce roman, à un moment donné de ma vie, je l’ai ressenti. Tout. »