- auteur : Abel Quentin
- date de publication : 18/08/2021
- éditeur : L'observatoire
- Pour les plus grands
Jean Roscoff, historien de l’université, vient de prendre sa retraite et de divorcer. Il se rend compte alors de la médiocrité et de la vacuité de sa vie pour avoir cumulé nombre d’échecs dans des domaines variés : professionnel en ne faisant rien pour avoir le titre de professeur d’université, sentimental en sabotant son mariage au profit de « son partenaire quotidien » – l’alcool, médiatique en sortant un ouvrage, prouvant l’innocence des époux Rosenberg, jugés pour espionnage et condamnés à la chaise électrique… Mais le lendemain de sa parution, la CIA déclassifie ses dossiers d’archives qui prouvent le contraire. Las de cette image de looser qu’il cultive avec cynisme, il décide de reconquérir Agnès, son ex : « J’allais lui montrer une facette insoupçonnée de ma personnalité, j’allais me transformer en homme mûr à la force tranquille, un homme solide doté d’un sens des réalités. Capable de mener un projet en quelques mois. » Dans la foulée (autre que gymnique), il entreprend d’écrire une étude sur un obscur poète noir américain, Robert Willow qui, arrivé en France dans les années cinquante, militant communiste, aurait fréquenté nombre d’écrivains français ou afro-américains comme Sartre et Baldwin. Ce prétexte littéraire servirait à sa réhabilitation et à se « faire mousser ».
C’est alors que commence une désopilante descente en enfer quand il se heurte aux autres jeunes et moins jeunes, sur des questions qu’il ne soupçonnait même pas. A commencer par sa fille, Léonie, psycho-sociologue d’entreprise, et sa compagne, Jeanne, woke (spécialiste) du féminisme, du genre et de la race. Elles lui reprochent, par exemple, de ne pas privilégier la négritude du poète au profit de sa prosodie classique et de son engagement politique ; de plus, elles mettent en cause son antiracisme malgré son engagement passé à S.OS. Racisme. Même son ex s’en mêle : « Le monde change, Jean. Ce serait bien que tu le remarques. (…) Ta colère a un nom. Ça s’appelle la fragilité blanche. » Et tout à l’avenant au gré des rencontres avec son « seul ami », avocat d’affaires fortuné, un couple d’éditeurs underground, d’anciens collègues etc.
Le récit se déroule comme la chenille d’une fête foraine où le lecteur se retrouvera tiraillé entre le grotesque et le sérieux de cette galerie de personnages pour partager enfin avec le narrateur ce constat accablant et désopilant : « J’étais conscientisé et plus rien de ce que je faisais n’était innocent. »