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Notre lecture

Le syndrome de l’Orangerie

Devant une angoisse irrépressible en regardant les Nymphéas de Claude Monet, le détective Bmore mène une enquête sur la naissance, la réalisation, les conditions artistiques, psychologiques, biographiques et historiques de « ces Grands Panneaux » que « les Américains ont consacrés comme une œuvre majeure de l’art moderne ». Bien vite, ce personnage et l’auteur font corps. A cette confusion se mêlent différents points de vue de peintres et d’écrivains contemporains ou non de Monet en plus de lettres ou de réflexions d’amis ou de la famille : « A croire que les événements se passent le mot pour survenir en même temps, et, ainsi, fabriquer quelque chose de cohérent, donner l’illusion d’une instance supérieure, que le Destin existe, que la vie est un roman » (p. 131) Le questionnement répétitif et amplifié fait songer au Boléro de Ravel où les différents propos rapportés tout azimut en harmonie, discordants ou même antagoniques font office d’apports d’instruments et de traitements des couleurs chromatiques et harmoniques : « Ce que l’on voit à l’Orangerie (…), ce n’est pas seulement métaphorique, analogique et métonymique, c’est tout cela à la fois. ». L’ensemble accumule digressions, associations d’idées, souvenirs personnels, citations d’où émergent deux préoccupations majeures, l’une autour de la mort suite à des deuils ou à des guerres (ces panneaux ont été conçus principalement de 1914 à 1918), l’autre autour de l’abandon des portraits pour des séries de peupliers, de meules ou de paysages : « Dans la vie d’un individu, les périodes décisives se répètent cycliquement à intervalles réguliers, je possède des preuves irréfutables dans ma propre existence (mais ce n’est pas moi le sujet) » (p.135)
Cette somme magistrale, menée sur un ton désinvolte, invite les lecteurs comme modèles à éveiller leur esprit, tout en se demandant s’il ne s’agit pas, plus simplement, de les fourvoyer comme le suggère Grégoire Bouillier à l’égard du peintre lui-même : « Tous les beaux discours sur les jeux de lumière, les effets de l’eau, l’Insaisissable et patati : de la poudre aux yeux ! Du blabla pour dissimuler les véritables motivations et même, et surtout, à ses propres yeux ! Préserver le secret de l’être en détournant l’attention ailleurs. » (p.341)