- Clémence Boulouque
- date de publication : août 2024
- éditeur : Robert Laffont
- Littérature
Voilà une chronique bien croquée et savoureuse où Stefan Zweig, auteur du Monde d’hier – en résonnance du titre -, a organisé une visite chez Sigmund Freud, récemment exilé à Londres, en compagnie de Salvador Dali, Gala et son agent. Autant de sujets bigarrés qui permettent à l’auteure d’exploiter la richesse d’une palette narrative étourdissante : une unité de lieu (Londres), de temps (19 juillet 1938) et d’action (rencontre autour d’une tasse de thé), finesse ou exagération des traits physiques, de comportement et de caractère, usage d’un registre oratoire approprié à chaque personnage, ambiance et atmosphère d’une époque au bord de la guerre… Si l’on se doute à qui convient la caricature parmi toutes ces figures, on découvre chez les autres plus de subtilités : Anna Freud se montre effacée mais efficace, Gala excelle à arrondir les angles, Zweig affecte une déférence pour masquer une bonté pleine d’empathie face à Sigmund Freud en proie aux affres de son cancer de la mâchoire et de sa surdité. La passivité apparente de ce dernier est pourtant le catalyseur d’une exaltation intellectuelle et artistique de la fin d’un monde qui ouvrira sur un autre encore en souffrance… En place de spectateur, le lecteur sort de sa fascination devant ce spectacle finement mené pour se plonger dans un abyme de réflexions sur Le Sentiment des crépuscules.