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Notre lecture

Le quadrille français

Dans les années 70, orphelin, jeune étudiant, le narrateur, à la mort de son tuteur qui ne lui laisse rien, est déclaré inapte au service militaire : « Cela confirmait une impression qui ne m’avait jamais quitté : je n’étais personne ». Il trouve alors un emploi à mi-temps dans une librairie viennoise qui lui permettra de parfaire sa connaissance en allemand. Locataire d’une dame âgée et fortunée, Fanny Rollett, qu’il considèrera bientôt « comme une mère », il se lie d’amitié avec son fils aîné Amin, docteur en physique, séduit par les sciences occultes. Il découvre alors le grand monde de cette famille d’industriels qui a fait fortune en fabricant des jouets, puis, en 1914, en devenant « fournisseur de la cour impérial et royal » en matière de prothèses : les mutilés de guerre ont assuré ainsi leur prospérité ! « Toutes ces découvertes, ces réflexions (l)’encouragèrent également dans (ses) efforts à (s)’accomplir comme homo austriacus avec Amin comme modèle ». Cette métamorphose commence par la recherche et la tenue de costumes traditionnels, continue par l’apprentissage des coutumes et des usages, et lui offre la perspective d’un beau mariage après des fiançailles réussies, son adoption par une riche veuve et, en apothéose, le bal des Transports publics où il figure en premier rang avec sa promise dans le Quadrille français avec l’obsession de « manquer la figure du Grand Balancé ». Si l’on saisit l’ironie d’une telle initiation, on s’interroge aussi sur cette leçon de conformisme où le narrateur découvre, par exemple, Pandora de Gérard de Nerval, « le plus autrichien des écrivains français selon Stern », ami juif d’Amin dont « son apparence faisait songer à une statue d’Arno Breker » (sculpteur officiel d’Hitler !). D’ailleurs, la question de la judéité est abordée de façon singulière : « Pour des raisons politiques,  (un peuple turco-mongol chamanique) arrivé au VIIIe siècle au sud de la Russie, s’est converti au judaïsme et en a adopté tous les rites et croyances ». « Fondu aux peuples voisins, slaves et surtout germaniques (…), cela a donné la langue yiddish et une sorte de génie particulier  (qui a conduit à) la pensée analytique et technique germanique et enfin (à) la très catholique monarchie austro-hongroise. Le résultat a été la sainte-Trinité de Budapest, Szilard, Wigner et von Neumann, qui a fabriqué la première bombe atomique. » Ces quelques exemples fournissent un aperçu de l’érudition de l’auteur et de sa virtuosité romanesque où s’entremêlent grotesque et sérieux à travers ce personnage qui veut écrire « un essai sur les décors de théâtre » en éprouvant « presque un malaise à voir que derrière le décor de cette Autriche si gemütlich (…) pouvait se tenir un fond de scène tragique… ».