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Notre lecture

L’Autre Rimbaud

Sur la couverture, figure la photo d’Arthur Rimbaud en premier communiant, non pas seul comme l’a retouchée sa sœur Isabelle pour la première œuvre complète du poète, parue en 1922, mais avec son frère, à cette différence que le portrait de Frédéric, son frère aîné, est présenté par une forme orange comme une cible… Car le roman historique vise bien et avec justesse cette ombre, mise à l’écart par la famille et aux oubliettes  par la plupart des éminents biographes du poète.  L’auteur offre ici un travail de véritable archiviste, doublé d’un talent de romancier pour pallier le manque de témoignages directs de ceux qui l’auraient connu. Les lecteurs d’Arthur ont peut-être simplement retenu cet anathème dans une lettre du 7 octobre 1884 adressée à sa famille : « Ça me gênerait assez, par exemple, que l’on sache que j’ai un pareil oiseau pour frère. Ça ne m’étonne d’ailleurs pas de ce Frédéric : c’est un parfait idiot, nous l’avons toujours su, et nous admirions toujours la dureté de sa caboche. » ou cette allusion dans Les Illuminations : « Pitoyable frère ! Que d’atroces veillées je lui dus !». Sa mère Vitalie est ausssi peu amène à son égard : « Tu finiras comme ton oncle, un ivrogne. », tout comme sa sœur Isabelle et son mari paterne Berrichon. Celui que l’on considère comme « l’idiot de la famille » devient, dans ces pages, un personnage sensible, « bon comme du bon pain » comme « avait coutume de dire Ernest Delahaye, son copain de collège.» En s’engageant dans l’armée, ces deux harpies le soupçonnaient d’être en relation avec le père militaire qui était parti fonder un autre foyer. Puis la mère Rimb’ lui fit alors les pires misères pour l’empêcher de se marier et, avec sa fille, ils s’employèrent à le dénigrer quand il partit exercer le métier de voiturier dans la région et, plus tard, à l’écarter lors de l’enterrement du « pauvre Arthur » ou de l’inauguration d’une statue de l’illustre poète à la quelle il avait pourtant souscrit ! Ce ne sont que quelques exemples de leur œuvre de nuisance… Or, le roman, comme il est signifié dans l’épilogue, démontre fort bien qu’il fut « cet homme révolté », « cet homme qui dit non », pour reprendre la définition de Camus (…) Alors oui, raté peut-être, mais au moins Frédéric eut-il le cran de quitter sa position de famille pour vivre la vie qu’il s’était choisie, plutôt que d’endurer les brimades maternelles. »