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Notre lecture

Des torrents de sang et d’argent

Ce roman historique révèle une tache sanglante du colonialisme allemand. La confiscation des terres et la répression meurtrière des tribus Nama et Hereros en Namibie entraîne chez ces derniers une guérilla avec, à sa tête, Jacob Marengo, ancien mineur du Cap, surnommé « le Napoléon noir » : « Son armée invisible sillonne les déserts, traverse les savanes, s’évanouit dans les hauts-plateaux. » La réponse du général von Trotha est sans ambages : « Il faut détruire les tribus africaines par un torrent de sang et d’argent. Car ce n’est qu’une fois ce nettoyage accompli que quelque chose de nouveau pourra émerger, et qui restera. »  Même les morts de ces deux peuples, bientôt anéantis à la bataille de Waterberg, apportent leur tribut avec leurs têtes tranchées, puis livrées à « l’Institut Kaiser-Wilhelm d’anthropologie » ; ces reliques « inspireront bientôt quelques pages des plus enflammées de Mein Kampf ». Ces éléments nous sont rapportés en flash-back dans ce récit qui court de 1906 à 1908, date de la découverte d’une mine de diamants. Les portraits des bourreaux sont au vitriol : le général sanguinaire, le médecin tortionnaire, l’ingénieur inhumain augurent des figures nazies. Non sans un certain lyrisme, on suit les souffrances, les fuites et les luttes de quelques personnages qui apportent un peu d’humanité à l’élimination de tout un peuple grâce à son courage et sa détermination : Jan Karico et ses compagnons, rescapés du massacre, et Esther, prisonnière acheminée dans un camp de la mort pour œuvrer sur un chantier ferroviaire. Celle-ci forcera enfin l’admiration de son maître, pasteur, en sacrifiant, chaque soir, au rituel du feu sacré : « Au-delà de son aspect trivial et assez primitif, ce feu sacré avait peut-être réellement le pouvoir de faire revivre les fantômes. » D’ailleurs, cette appréciation correspond tout à fait à ce roman qui ne ménage ni l’émotion ni les sentiments tout en apportant un éclairage sur ce premier génocide.