L’auteur sait pourquoi il écrit, il est libraire, et de quoi il parle, de l’Argonne d’où il est originaire et dont le nom, habituellement, résonne avec les canons de la Grande Guerre ; mais, là, il s’agit d’une sorte de pèlerinage sur les chemins de l’exode empruntés par sa famille en juin 1940 où sa grand-mère meurt mitraillée par un avion allemand : « Marie-Thérèse gît sur le côté, sa tête a explosé, éclaboussant la toile et le corps des enfants. » Parmi ces derniers, son père qui reprendra la tradition de paysan et menuisier et celle de la fabrication du cercueil de son père. A défaut de ne pouvoir reprendre la main, l’auteur grave avec son stylo sur le tombeau familial l’itinéraire de cet exode en voiture à cheval qui part d’Eclaires, village d’Argonne, passe par Vitry-le-François, Brienne-le-Château avec cette halte fatale à Ville-sur-Arce, dans l’Aube. Ainsi remonte-t-il dans le temps en suivant cet itinéraire à rebours comme un film plein de bruit et de fureur mais aussi de tendresse dans le déroulé descriptif d’un paysage d’arbres, de pâtures et de champs. On songe alors au film de René Clément Jeux interdits avec cette petite musique à la guitare que l’on retrouve dans le style prenant de ce récit.