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Notre lecture

Nous, les Allemands

Sur l’injonction de son petit-fils qui le presse de questions pressantes et embarrassantes, le grand-père raconte, dans une longue lettre, son embrigadement dans la Wehrmacht, l’occupation en France où il se sentait « comme en villégiature dans la Loire ou la Dordogne, à manger des fromages et à visiter des châteaux » ; mais, envoyé sur le front de l’Est, il fait face à l’horreur. Non sans remords, il conte les exactions auxquelles il est confronté dans sa débandade devant l’avancée de l’armée russe : villages incendiés, massacre des civils, viols, pendaisons des partisans en grappes sur les arbres et même la crucifixion d’une femme vivante par des Feldgendarmen. Sa lucidité, une fois revenu de ses opérations criminelles, paraît sans appel : « Nous avons abattu les piliers soutenant l’édifice de la Civilisation. » Comme pour faire bonne mesure, il évoque la solidarité relative de son équipe hétéroclite en déroute, quand ils se cachent et trouvent de quoi manger, et quand il s’attachent à un poney qui leur sert de portefaix; il ne peut s’empêcher d’y voir une école de courage, la promotion des Vertus anciennes et il reconnaît son engouement alors pour la guerre « sans être nazi ».  L’emploi du « Nous » prend ici toute sa résonnance dans le rappel d’un sens du devoir et de l’obéissance qui serait resté ancré dans leur mémoire comme un héritage… Reste, toutefois, la honte qui ne « s’expie pas ». On comprend aujourd’hui, avec la guerre en Ukraine, toute l’importance de ce roman face à l’Histoire dont on n’est pas encore capable de tirer des leçons…