L’autrice, américaine, a vécu six ans dans cet immeuble, à Ixelles, commune de Bruxelles. De là, elle imagine l’histoire de ses habitants de 1939 à 1945. Ils sont quatorze, dûment recensés (concierges, marchand d’art, officier en retraite, couturière, étudiant-e-s etc.) et mis en exergue pour faciliter la lecture car chacun va exposer, tour à tour, ses sentiments, impressions et points de vue sur ce qui se passe. On découvre peu à peu leurs rapports de simple voisinage, familiaux, amicaux, amoureux, conflictuels, voire hostiles, vu le contexte politique, entre « collabos » et résistants. On pense aussitôt au roman d’Alaa El Aswany L’Immeuble Yacoubian (Babel) où l’auteur expose les injustices et différences sociales, terreau de la montée du terrorisme islamiste. Alice Austen a une approche plus romanesque par un déroulement narratif de plus en plus dramatique (arrestations, évasions, poursuites, disparitions…), par les changements de narrateurs avec un style singulier et par le déterminisme psychologique sur leur comportement dans un contexte historique nuancé. Devant ce puzzle de portraits, le lecteur se laisse vite emporté par une intrigue si bien ficelée qu’elle laisse sans voix mais tout yeux !